La complexité d'un paysage agricole : chaque composante a un effet sur les ravageurs et leurs ennemis naturels
Le paysage peut-il protéger les cultures contre les ravageurs ?

Le paysage peut-il protéger les cultures contre les ravageurs ?

La société demande avec insistance la diminution de l'usage des pesticides en milieu agricole. Cette diminution nécessite de mieux comprendre l'écologie du paysage : ici, les facteurs environnementaux locaux régissant de manière naturelle la colonisation des cultures par les ravageurs et l'action régulatrice de leurs ennemis naturels.

Etude de l'action de facteurs liés à la parcelle et au paysage

Ce type d'étude se focalise souvent sur une seule espèce ou une seule échelle de l'environnement. Nous avons au contraire étudié simultanément l'action de facteurs locaux (liés directement à la parcelle) mais aussi paysagers (zone de 500m autour de la parcelle) sur un ravageur et plusieurs de ses ennemis naturels en mesurant aussi bien la colonisation des parcelles que l'impact des ennemis naturels et les dégâts agronomiques.

Le modèle choisi est la mouche du chou Delia radicum, un ravageur majeur des crucifères (ex: chou) et son cortège d'insectes prédateurs et parasitoïdes principaux.

Delia radicum
Delia radicum

Grande complexité des interactions

Notre étude révèle la grande complexité des interactions en jeu. En effet, le ravageur et ses ennemis naturels réagissent à la fois aux facteurs parcellaires (y compris la méthode de culture) et aux caractéristiques du paysage (au moins dans un rayon de 500m autour de la culture), mais pas de la même manière. Certains de nos résultats sont contre-intuitifs : la colonisation des parcelles par le ravageur est diminuée lorsque les cultures de crucifères sont abondantes aux alentours, et elle n'augmente pas après un précédent cultural de crucifères. Au contraire, les haies pourraient parfois favoriser la colonisation, avec des conséquences sur les dégâts. Mais il faudra considérer l'étude dans son ensemble, qui s'est étalée sur trois ans pour confirmer cette tendance. D'autres résultats obtenus étaient en revanche attendus, comme une plus grande présence des ennemis naturels lorsque le paysage est plus riche en zones boisées, qui agissent comme des réservoirs.

Au final, notre étude souligne le formidable défi que représente l'utilisation des notions d'écologie du paysage contre des ravageurs des cultures. Elle suggère en effet qu'il sera probablement difficile d'obtenir une régulation équivalente à la lutte classique en manipulant les variables paysagères, même si nos résultats démontrent qu’une modification du paysage agricole à petite échelle suffit pour obtenir des effets mesurables.

Josso C., Le Ralec A., Raymond L., Saulais J., Baudry J., Poinsot D. & Cortesero A.M. (2013). Effects of field and landscape variables on crop colonization and biological control of the cabbage root fly Delia radicum. Landscape Ecology, 28(9): 1697-1715. DOI